L'Origine de Prenoms et Noms Balinais

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Mon père s'appelé I Wayan Gubar. Il est né en 1945, à la fin de l'occupation japonaise en Indonésie. La vie était très difficile à cette époque-là, à tel point que mon grand-père, voulait l'appeler Gabur qui voulait dire le désordre. Mais comme son voisin avait juste nommé son bébé Gabur, le nom était déjà pris. Il a dû prénommer son fils Gubar, prénom qui n'avait aucune signification.

 

En fait, à l'époque beaucoup de prénoms Balinais ne voulait rien dire ou n'étaient que des onomatopées. Mon grand-père était très content d'avoir un fils ainé car selon notre tradition, le fils le plus âgé de la famille est le responsable de la crémation de ses parents. C'est pourquoi devant le prénom Gubar, il a ajouté encore un autre prénom Wayan qui voulait dire l'ainé.

 

Le « I » devant Wayan est un titre qui signifie homme. L'appellation pour la femme est « Ni ». Les articles « I » et « Ni » indiquent également l'appartenance au clan des roturiers. Ils veulent simplement dire si un homme ou une femme sont nobles. Si par hasard, mon père était né dans une famille des forgerons, il s'appellerait Pande Wayan Gubar. S'il était dénommé Ida Bagus Wayan Gubar, il serait un brahmane. Ida Bagus veut dire beau seigneur. S'il portait le titre Anak Agung, qui veut dire le grand, il serait né dans un terrain du palais.

 

Wayan vient du mot « Wayahan » qui désigne le plus mur. Le prénom pour le cadet est Made qui se racine du mot ancien « Madia » qui indique « qui est au milieu ». Le benjamin porte le prénom de Nyoman qui étymologiquement vient du mot « uman », qui signifie le « reste » ou le « dernier ».

Alors selon notre philosophie l'idéal c'est d'avoir seulement trois enfants. Apres avoir le troisième enfant, il faut qu'on soit plus sage.

 

Mais à l'époque, le médicament traditionnel n'était pas très efficace pour le planning familial et l'avortement était mal vu depuis toujours, alors c'était possible qu'un couple ait plus de trois enfants. Le quatrième enfant de la famille porte le titre Ketut. Il se dérive du mot « Kitut » qui signifie la dernière minuscule petite banane qui pousse à l'extrémité d'un régime. A Bali, pas comme dans les républiques bananières, les bananiers sont plantés à côté des champs ou aux coins du terrain. Nous n'avons pas la culture très sérieuse de bananiers. Alors, il arrive souvent que la taille des bananes dans un régime ne soit pas parfaite, surtout à l'extrémité !!!

 

A partir du cinquième enfant, on récupère alors la série des prénoms précédents, selon le même ordre, Wayan, Made, etc. Mais si on veut préciser, en fait, les trois premiers prénoms possèdent plusieurs synonymes ; pour Wayan : Putu, Kompiang et Gede ; pour Made : Kadek et Nengah ; pour Nyoman : Komang. Alors, à Bali il y a des milliers de Putus, Mades , et Nyoman !!

 

Mais, quel est le nom de famille de mon père ? Comme la plupart des Balinais, il n'a pas de nom de famille. Les manuscrits de la famille disent que nous appartenons au clan plébéien Kubayan. Pourtant, il n'est jamais explicitement rajouté dans notre appellation. Certains disent que les ancêtres des Balinais déguisaient souvent leurs noms de famille lors de la guerre. Il y en avait autant qui changeaient le nom de la famille après la défaite militaire. Malgré cela, la raison précise reste obscure. Par contre, certaines familles (par exemple le clan Dusak, Pendit, etc.) gardent toujours fièrement leurs noms de famille. Ils sont les minoritaires et n'occupent même pas 2% des Balinais. Depuis la modernité, certaines familles créent leurs nouveaux noms de famille. Les noms n'ont pas comme racine les anciens noms de leur famille. Il est souvent à base du nom d'un père savant d'une famille qui a bien réussi.

 

Beaucoup de choses ont changé depuis l'indépendance à Bali, au niveau des prénoms Balinais. Si à l'époque de mon père et mon grand-père, nous utilisions des prénoms Balinais tirés du vocabulaire ou des onomatopées, à mon époque, nous commençons à donner des noms sanskrits. A mon école primaire, j'avais des amis qui portaient les prénoms d'origine Sanskrit; la langue ancienne Indienne : Sujana (qui veut dire le savant),  Astika (qui veut dire un dévot croyant), Danapriya (qui voulait dire le trésor), Gunawan (qui veut dire ‘qui a beaucoup de qualités') etc. Les noms ressemblaient à ceux des grands nobles ou des anciens rois. Une tendance qui indiquait aussi la démocratisation et l'égalité éducative. Les roturiers commençaient aussi à lire des textes philosophiques Indiens qui avaient été le privilège des brahmanes (les familles du clan de prêtre) et des nobles.

 

Ce qui est intéressant, même si on commence à porter des noms plus « majestueux», c'est que les noms anciens se préservent naturellement, ils se réincarnent dans nos « surnoms », nos appellations amicales. Comme on n'arrive pas à bien prononcer les noms Sanskrits, mon ami Astika, a simplement été appelé « Mokoh » qui signifiait « le gros », Danapriya a été appelé « Jublag » (un mot onomatopée), Gunawan a été appelé « Badeng » car il avait le teint mat. Les prénoms amicaux sont redevenus identiques à ceux de nos ancêtres.

 

Guntur Suyasa

Bali Rustique